Photographie © David Bailey
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« Les rencontres d'Arles »
45émes édition
Du 7 juillet au 21 septembre 2014
Le sillon sans relâche
par Jean-Noël Jeanneney, président des Rencontres d'Arles.
Les Rencontres d'Arles s'apprêtent à offrir cette année leur 45e édition. Manifestation sans pareille parmi la photographie mondiale, elles font notre fierté et celle d'une ville où convergent chaque année des dizaines de milliers de professionnels et d'amateurs férus d'images, de découvertes, d'échanges de toute nature.
Placée sous le signe du noir et blanc, l'édition 2013 s'est achevée sur des chiffres record: 96 000 visiteurs, soit 11 000 de plus qu'en 2012. Un total inégalé par le passé, témoin d'un engouement qui ne cesse de croître, et dont la presse française et internationale s'est généreusement fait l'écho en saluant une programmation à la fois riche, ambitieuse et fédératrice. Nous en tirons –pourquoi le cacherai-je ?– une vive satisfaction. Non seulement le festival s'est attaché désormais un nombre élevé de fidèles, pour lesquels il est devenu une étape précieuse durant l'été, mais il attire chaque année 30 % de nouveaux visiteurs, dont on peut gager qu'à leur tour ils reviendront à l'avenir, séduits par l'expérience arlésienne.
François Hébel, en plein accord avec moi, a décidé de placer cette édition 2014, la cinquième qu'il me revient de présenter, sous le signe de l'amitié et de la fidélité. Lui, dont cette réalisation sera la dernière, a noué au fil des ans des liens puissants avec nombre d'artistes. Il a souhaité en associer plusieurs à ce dernier rendez-vous, afin de mettre en lumière et en mémoire le chemin parcouru de conserve.
On retrouvera donc plusieurs proches de longue date du festival, à commencer par Raymond Depardon, déjà commissaire invité de l'année 2006, qui est restée vivante dans notre souvenir. Je me réjouis de le savoir voué à parrainer la grande exposition que nous allons consacrer aux 40 000 monuments aux morts édifiés sur le sol de notre pays après la Première Guerre mondiale, ce cataclysme dont 2014 marque avec éclat le centenaire. Il n'est guère besoin que je vous dise le prix que j'attache personnellement, comme historien et comme citoyen, à cette commémoration et l'émotion que j'éprouve d'avance à l'idée que nous y contriburons de la sorte, en y associant, selon un protocole de prises de vue établi par Raymond Depardon lui-même, les habitants de nombreuses communes de notre pays – cela grâce au précieux appui de la Mission du Centenaire et de la fondation Carac.
Au titre des grandes retrouvailles, nous aurons également la joie de compter parmi nous Lucien Clergue, fondateur des Rencontres avec Jean-Maurice Rouquette et Michel Tournier, qu'a rejoints Maryse Cordesse. Nous fêterons ses 80 ans.
À cette occasion, il reviendra, à travers une série d'entretiens, de vidéos et de photographies, sur les hommes et les femmes qui ont marqué sa vie et jalonné son parcours.
Christian Lacroix, qui fut le commissaire invité de l'édition 2008, sera également des nôtres, avec un projet inédit d'hommage à l'Arlésienne, dans un lieu qui n'avait jamais encore été occupé par les Rencontres, la chapelle de l'hôtel Jules César.
On retrouvera d'autre part l'un des grands noms de la photographie contemporaine, qui fut lui aussi de longue main notre compagnon de route, commissaire invité en 2004 : Martin Parr présentera sa collection de livres de photographies chinois, évoquant ainsi précieusement l'histoire de ce pays, qu'éclairera également la collection de photographies de groupes rassemblée par Claude Hudelot.
Je me félicite également que la National Portrait Gallery ait souhaité nous associer à une rétrospective de l'uvre de David Bailey que nous sommes heureux de présenter. Je tiens à remercier et à saluer ici les divers collectionneurs pour la confiance qu'ils nous portent en réservant à Arles la primeur de certaines parties de leurs richesses.
Enfin, Erik Kessels comptera semblablement parmi les commissaires invités et il nous offrira une sélection de points de vue contemporains en provenance des Pays-Bas – parmi bien d'autres expositions dont je laisse à François Hébel, comme il convient, le soin de présenter la force et la diversité.
Fidèles à notre volonté de favoriser l'accès aux pratiques photographiques et de contribuer à aiguiser les regards dans un monde où l'image est omniprésente, nous poursuivons la politique qui a vu naître depuis des années de très nombreuses initiatives à succès : lectures de portfolios, stages organisés du printemps à l'automne, colloques thématiques, visites d'expositions avec les photographes et les commissaires, conférences et débats gratuits tous les jours de la semaine d'ouverture, interventions et ateliers en milieu scolaire.
L'année 2013 a été marquée par les dix ans d'une manifestation qui nous est chère et qui est devenue un symbole de la politique pédagogique inventive des Rencontres : la Rentrée en Images. Le succès de cette manifestation est tel (10 750 élèves en 2013) que, faute de place, nous n'avons pu accueillir toutes les classes qui auraient souhaité y participer. Cette fois-ci, nous aurons le plaisir d'organiser en même temps un séminaire pédagogique qui accueillera, pendant deux jours, 300 enseignants et professionnels de la culture autour d'un thème spécifique, le plus stimulant possible: «Image, texte et récit: comment se racontent les histoires aujourd'hui ? » J'aime à rappeler qu'en 2004, lors de sa première édition, la Rentrée en Images ne concernait qu'une seule académie et une centaine d'élèves, et à mettre en lumière le chemin parcouru.
Fort de ce succès, le service pédagogique a développé, depuis quelques années, un outil d'aide et d'initiation à la lecture de l'image. Cet outil pédagogique, le jeu Pause-Photo-Prose, nous avons été contents de le présenter en 2012.
Il a déjà servi efficacement et suscité des réactions chaleureuses dans de nombreux lycées professionnels, écoles, centres sociaux, médiathèques. Ce travail d'essaimage va se poursuivre au cours des deux prochaines années auprès de médiateurs, d'éducateurs et d'enseignants de toute la France, grâce à l'appui conjoint de la fondation Total, du ministère de la Culture et du ministère de l'Éducation Nationale. Ce dispositif devrait toucher plus de 260 communes et former 800 enseignants et médiateurs.
Je n'oublierai pas non plus un projet qui me tient à cur : la médiathèque numérique des Rencontres d'Arles, accessible sur notre site Internet depuis 2013, avec le soutien du ministère de la Culture. L'Ina, qui m'est cher, nous accompagne dans cette mission, et je tiens à l'en remercier, en numérisant et en indexant l'ensemble des archives sonores et audiovisuelles des Rencontres.
Ces succès ne doivent pas empêcher d'évoquer l'avenir. Alors que les Rencontres atteignent une audience sans égale et que leur renommée universelle est désormais installée, elles s'apprêtent à vivre un tournant périlleux. Une ère s'achève avec le départ de François Hébel, leur valeureux directeur, qui, en douze ans de mandat, aura non seulement sauvé le festival d'une mort annoncée mais décuplé son public.
Notre tristesse est grande de voir partir une personnalité avec laquelle les équipes du festival ont cheminé durant tant d'années dans la complicité et la confiance, dont nous n'avons cessé d'apprécier le talent hors de pair, avec lequel j'avais personnellement tissé, au fil des années – pourquoi ne pas le dire ? – des liens d'amitié profonde. Il sait que j'ai compris les motifs de sa décision, en parfaite solidarité avec lui.
Qu'il me soit permis de lui souhaiter le meilleur pour la suite, et pour les nouveaux défis qu'il relèvera, j'en suis sûr, n'étant pas homme à se reposer longtemps sur ses lauriers : je ne doute pas qu'il se lance promptement dans de nouvelles entreprises dont je suis convaincu que l'avenir nous permettra d'admirer les fruits.
Quels que soient nos regrets face à ce départ, j'ai veillé, comme bien vous pensez, et selon mon devoir, à assurer au mieux l'avenir des Rencontres en désignant, en concertation avec les tutelles publiques et les membres du conseil d'administration, le futur directeur, Sam Stourdzé, à la tête du musée de l'Élysée de Lausanne depuis 2010. Sa brillante carrière passée, définitivement liée à la photographie, augure le meilleur pour l'avenir des Rencontres.
Sam Stourdzé aura à affronter de nouveaux obstacles, à inventer de nouvelles formules. Une aventure telle que celle-ci est vouée à ne jamais se figer. Il s'agira de construire un avenir solide tout en se confrontant à la question, rendue plus aiguë, des futurs lieux d'exposition et, si possible –pouvons-nous rêver?– d'en finir avec la fragilité budgétaire de l'association.
Enfin, et ce n'est pas le moindre de mes vux, il s'agira de continuer d'insuffler aux Rencontres l'énergie nécessaire à leur rayonnement dans une ville qui est en passe de prendre un nouveau visage, accueillant désormais la fondation Van Gogh et la fondation LUMA, fidèle mécène du festival, et s'apprêtant à voir notre amie de toujours, la nouvelle École nationale de la photographie, portée vers des ambitions plus brillantes encore que jamais.
Dans ces temps parfois chaotiques, j'ai à cur d'exprimer nos remerciements vifs aux partenaires privés qui nous soutiennent depuis si longtemps. Au premier chef, SFR, qui a renouvelé son soutien pour un contrat triennal, L'Occitane en Provence qui nous avait aidés l'année dernière pour la première fois et qui est présent à nouveau cette année, Olympus toujours précieusement fidèle, la fondation Luma qui nous appuie, je viens de le dire, depuis si longtemps, BMW dont nous sommes fiers de présenter le « rendu de résidence » au musée Nicéphore Niepce, la banque Pictet qui nous fait le plaisir d'être une fois de plus à nos côtés, sans compter tous ceux que je ne peux citer nommément mais qui savent combien nous leur sommes reconnaissants.
Il me revient enfin de remercier les collectivités locales, le Conseil régional, le Conseil général des Bouches-du-Rhône, la ville d'Arles, sans le soutien durable desquels le festival ne pourrait, comme chacun sait, survivre. Et, au premier rang, de dire notre pleine gratitude à Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, qui a bien voulu se montrer attentive aux difficultés que nous venons d'affronter et qui, consciente des nouveaux défis qu'il va revenir aux Rencontres de surmonter, voudra et saura, j'en suis convaincu, les accompagner à la hauteur de leurs ambitions.
www.rencontres-arles.com
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